Les Cycles de la Vie

V - Vivian Sorbey
L - Laura Johnson
 
 

V - Durant l’été, c’était la saison de l’abondance. L’été ne durait pas longtemps parce que c’est une saison courte par ici. Aussitôt que le printemps finissait et que l’été commençait, on se préparait pour l’été. On cueillait des petits fruits sauvages, on cueillait tout ce qui nous aidait à survivre durant l’hiver. On plantait dans notre jardin des patates et des carottes. On plantait toutes les graines qu’on pouvait obtenir. On préparait les graines et on les mettait dans le sol. La plupart des gens par ici avaient des terres cultivables. Alors, on se préparait durant l’été. Nos parents nous levaient très tôt le matin pour qu’on travaille. Les filles enlevaient les mauvaises herbes pendant que les garçons enlevaient les bêtes à patates.

Après cela, on surveillait pour les petites fleurs blanches. Ils disaient alors : « Les fraises seront bientôt mûres ». Aussitôt que les abeilles arrivaient, voici le nectar. Quand il y a du nectar, c’est signe que c’est un bon temps pour aller dans le bois. Quand on voyait les petites fraises, on savait qu’en deux semaines, ce serait le temps de les cueillir. S’il y avait du soleil et de la pluie, on savait qu’elles pousseraient bien. Quand on voyait des belles talles de fraises, on sortait nos contenants. En ce temps-là, on devait marcher. Pas seulement nous…les personnes âgées aussi devaient marcher. Il fallait monter la deuxième côte, la troisième côte et d’autres endroits. On n’aimait pas beaucoup ça, mais il fallait se lever tôt le matin et il fallait y aller.
 
Ensuite, ma mère allait en ville pour acheter des bouteilles et de la cire pour les conserves. Elle devait laver les bouteilles vraiment comme il faut. On avait une sorte de cave où on entreposait nos conserves. C’était en dessous du plancher. En Mi’gmag, on appelait ça “lagga’p”. 
 
Ma mère nous disait ensuite : « La prochaine fois, ça va être les framboises. » Après les framboises, c’était les bleuets. Il y avait un cycle. Elle faisait des confitures. On avait droit à un seul pot de confiture au début…c’était un véritable festin. Mais on n’y touchait pas sans avoir la permission de nos parents. Comme ça, on avait des conserves en vue de l’hiver.
 
On élevait aussi un cochon. Ma mère avait du cochon frais et elle en salait aussi une partie. Il n’y avait pas de boucher en ce temps-là. Il y avait dans la région, la compagnie « Atlantic Trading ». Il y avait un gars qui travaillait à cet endroit. Mon père lui disait : « Viens faire un tour. J’ai un cochon qui a besoin d’être coupé ». Il répondait : « Pas de problème ». Mes parents étaient à côté de lui et lui disaient : « On a besoin de chopes de porc, on a besoin de ceci, on a besoin de ça ». Alors, ils coupaient tout au long de la soirée. Ils ne faisaient pas que couper, ils avaient aussi du plaisir, lui et mon père. Ils prenaient un petit coup et mâchaient du tabac. Lorsque le cochon était coupé, on le mettait dans un baril. C’était en vue de l’hiver. Le cochon frais, c’était pour l’été.
 
Ensuite, il fallait tout laver. Il y avait du travail à tous les jours…après l’école bien sûr. Tout le monde avait du travail à faire…celui-ci devait faire ceci, celui-là devait faire ça. Il n’y avait pas d’électricité. Mais, ce que n’avait pas ne nous manquait pas. Ma mère nous disait aussi : « Les filles, lundi, on va faire notre lavage. » Les planches à laver. On commençait de bonne heure le matin. On avait un poêle et on mettait du bois dedans. On avait des marmites galvanisées qu’on mettait sur le poêle afin d’avoir de l’eau chaude. Ensuite, on allait sur le perron où il faisait beau et frais pour faire le lavage. Les garçons devaient laver leur linge parce qu’on était trop jeunes pour pouvoir tordre le linge. C’est eux qui tordaient le linge et qui le mettaient sur la corde à linge. Après ça, c’est moi et ma soeur qui enlevaient le linge de la corde à linge. On le pliait et le jour suivant, on passait le fer à repasser. On avait de gros fers à repasser en fer de fonte. Il fallait les mettre sur le poêle. C’était un gros travail.
 
L - Je pense bien!
 
V - On ne disait pas que c’était un travail difficile. On faisait ce qu’on nous disait de faire. Mais, quand le vendredi soir ou le samedi soir arrivait, on recevait peut-être 50 cents. Avec 50 cents, tu étais riche. On allait voir des films. On était heureux avec 50 cents, mais on faisait notre travail.
 
Quand l’automne arrivait, il fallait couper le foin et l’avoine. On aimait bien ça parce qu’on pouvait avoir des ballades lors du transport du foin. On y allait tous. En ce temps-là, tout le monde aidait tout le monde. Les voisins aidaient les voisins. Quand quelqu’un commençait quelque chose, tout le monde se regroupait. En plus, les Aînés savaient quand la pluie s’en venait. Ils savaient en écoutant le son des oiseaux et des corneilles…ou à la manière du sifflement. Tous les hommes étaient assis dehors. Certains mâchaient du tabac, d’autres fumaient de la pipe. Ils parlaient en regardant le ciel. « On va avoir de la pluie, les gars. Il faut rentrer le foin. » On se rassemblait tous, tous les voisins. « Allons-y. C’est l’temps! ». On rentrait le foin de celui-ci, ensuite c’était au tour de celui-là. Même les dimanches après la messe. Après ça, ça arrivait! Il commençait à mouiller. Vous voyez! Ils savaient déjà qu’il allait mouiller. On n’avait pas de téléphone. Un voisin avisait un voisin et celui-là faisait la même chose avec un autre voisin. C’était l’harmonie. Quand j’y pense maintenant, c’était l’harmonie. Si je pouvais ramener ce temps-là, ce serait quelque chose. Quand je pense à ces souvenirs, je sais que c’est quelque chose que je n’oublierai jamais.
 
On ramassait aussi les patates à l’automne. J’étais trop jeune pour y aller.
 
L - Où est-ce que vous ramassiez les patates?
 
V - Caribou au Maine. Madawaska et à d’autres endroits. Je ne pouvais pas y aller parce qu’il fallait que j’aille à l’école avec mes sœurs. Mais, mes parents allaient ramasser des patates et ils nous procuraient du linge.
 
Durant l’hiver quand la neige arrivait, on était tellement contents. Quand on s’approchait de Noël, on n’avait rien pour décorer. On allait dans le bois avec les garçons et les voisins pour couper un arbre de Noël. On faisait nos propres décorations. On coupait les vieux catalogues et on mettait nos propres décorations sur l’arbre. On n’avait pas de lumières de Noël non plus. Quand on avait fini de décorer l’arbre, il était très beau.
 
Il y avait des traîneaux à chiens et pour les chevaux. On n’avait pas de cheval, mais on avait un chien pour haler du bois de la forêt. Les garçons halaient le bois et les filles le rentraient dans la maison. Le feu était toujours allumé durant l’hiver. On en parlait l’autre jour, ma sœur, moi et Willie. Si on pouvait ramener le bon vieux temps, j’arrêterais ma facture d’hydro et d’autres choses. La seule chose que je conserverais serait ma chambre de bain. Il fallait aller dehors en ce temps-là. Il n’y avait rien de pratique comme aujourd’hui. En ce temps-là, on marchait. Il n’y avait pas de livraison à la maison en donnant simplement un coup de téléphone. Si tu voulais obtenir quelque chose, il fallait marcher ou encore utiliser le traîneau à chien. Ouaip! La seule chose que je conserverais, ce serait ma salle de bain.
 
L - Qu’en était-il à propos de la viande?
 
V - La compagnie « Atlantic Trading » nous vendait de la viande en vrac. Il vendait à la livre. On achetait habituellement de la viande à ragoût. Il n’y avait pas de « steak » en ce temps-là. Tout le monde vivait de poissons, de viande et du pain maison que ma mère cuisait.
 
L - Dans le bois. Est-ce que tu te souviens d’avoir été dans le bois pour chasser?
 
V - Mes frères y allaient. Mon père travaillait dans les camps. Il était cuisinier. Il était engagé à tous les printemps. Ma mère travaillait à Campbellton. Toutes les femmes faisaient du travail ménager, elles faisaient le grand ménage du printemps. Les garçons allaient dans le bois pour attraper du lièvre et chasser la perdrix. Une fois, mes frères ont tué un petit chevreuil. C’était juste assez pour nourrir la famille. Rien n’a été perdu. Ils allaient aussi à la chasse à l’orignal. Quand ils tuaient un original, on prenait ce dont on avait besoin. Ensuite, ils disaient à tout le monde, venez en chercher. Ils le coupaient et disaient : « Prenez ceci, prenez cela. »
 
L - Alors c’était partagé avec tout le monde.
 
V - C’était partagé. Même chose si quelqu’un faisait du pain maison, et qu’une autre personne en avait fait plus tôt. Les gens s’échangeaient quelques pains afin qu’on mange le pain plus ancien. Ils disaient que le pain chaud ne pouvait pas être mangé parce qu’il était trop chaud pour être tranché facilement. Aussi, si vous aviez du thé, on pouvait échanger du thé pour du sucre avec un voisin. Ils marchandaient.
 
L - Alors, il y avait un système de troc.
 
V - Lorsque la guerre a pris fin, on avait des cartes. On les appelait les « rations ». Ils échangeaient les cartes de ration. Avec une carte d’une certaine couleur, on pouvait obtenir telle chose au magasin. En ce temps-là, on achetait en vrac. On achetait un sac de farine de 100 livres et un sac de 100 livres de sucre. Il y avait aussi de grand seau de lard. Il n’y avait pas d’huile Mazzolla en ce temps-là. Il n’y avait que du lard pur et ça durait un bon bout de temps. Plus tard, la margarine est arrivée. Il fallait la travailler dans un sac et mettre un peu de colorant pour lui donner la couleur du beurre. Il n’y avait pas beaucoup de beurre. On n’avait pas les moyens pour acheter du beurre. Il y avait cette vieille dame, Madame Labillois. Elle barattait le beurre. Ma mère me disait : « Va demander à Madame Labillois si elle a du beurre. » Elle nous donnait du beurre et aussi de la crème et du lait. Tout ce qu’elle disait, c’est : « Ramènes-moi mes bouteilles…pas besoin d’argent. »
 
L - Wow!
 
V - Il y avait aussi toutes sortes de clôtures. Les fermiers avaient des vaches, des chevaux, des cochons et des poules. En ce temps-là, ils partageaient la terre. Un fermier disait : « J’ai des animaux ici et ils ont besoin de champs pour brouter. Est-ce que je peux emprunter ta terre pour qu’ils puissent brouter. Le voisin répondait : « Ben sûr…pas de problème. »
 
Les hommes et les femmes s’entraidaient. Les femmes étaient couturières par ici. Lorsque l’agent des Indiens obtenait de vieux uniformes des autorités, il les donnait. Les hommes allaient les chercher. Les couturières réparaient les pantalons et ils avaient l’air neufs, comme s’ils sortaient du magasin. Ils tournaient le manteau à l’envers. Une fois, ma mère m’a fait un très beau manteau avec de vieux tissus. Tout le monde pensait qu’il était complètement neuf. C’était fait avec de la guenille. Ils conservaient aussi les guenilles pour faire des paillassons. Rien n’était gaspillé.
 
L - Alors, durant l’hiver, c’était donc des temps pour s’ennuyer?
 
V - Ce n’était pas ennuyeux. On avait du plaisir durant l’hiver. Bien sûr, on n’avait pas les moyens de s’acheter des patins. On avait seulement les lames. Ou on pouvait prendre du fil de fer et les attacher à nos bottes. La voisine avait l’habitude de jeter son eau de lavage et elle avait une corde à linge.
 
On mettait notre linge à sécher dehors et ça gelait. Les vêtements étaient raides comme de la planche. Quand on les rentrait à l’intérieur, ils pouvaient tenir debout sur le plancher. On avait seulement une planche à laver.
 
On glissait aussi l’hiver. On glissait partout. On amenait de l’eau et on la versait sur les pentes. Peu de personnes avaient des traînes pour glisser, alors on glissait à l’aide de carton. Parfois, on utilisait la traîne à chien. Mais, nos parents n’aimaient pas ça. Elle était difficile à contrôler et pouvait parfois être dangereuse. Ils ne voulaient pas non plus qu’on casse certaines pièces d’équipement pour éviter de longues réparations. Il n’y avait pas que les enfants qui allaient glisser, les adolescents aussi et parfois même de jeunes adultes âgés jusqu’à 25 ans. On était tous des amis.
 
Les garçons faisaient des forts et des tunnels. On faisait aussi des bonshommes de neige et on sautait en bas des toits en faisant des pirouettes. On n’avait jamais froids. On marchait en groupe pour aller voir des films. Ça coûtait seulement 15 cents pour entrer. Il fallait aussi marcher pour se rendre à l’école. Il n’y avait pas de charrues en ce temps-là. On marchait dans les pistes des chevaux.
 
Mes tâches durant l’hiver étaient d’atteler le chien, d’emplir le fanal de kérosène et d’entretenir les mèches. Ma sœur devait balayer les planchers et faire les lits. J’aidais aussi à nettoyer les planchers et à faire la vaisselle. On s’entraidait, ça c’était clair.
 
Parfois, les hivers étaient difficiles. Les hivers d’aujourd’hui, ce n’est rien. Parfois en ce temps-là, tu ne pouvais pas aller dehors parce que c’était trop froid. C’était des occasions pour se regrouper et se raconter des histoires. En tant qu’enfant, on écoutait ce que nos parents avaient l’habitude de faire, ce qu’ils avaient et ainsi de suite. Il y a des moments où toute la famille était en haut. Une soirée, un parent nous racontait une histoire. Le lendemain, c’était au tour de l’autre…c’est souvent de cette manière qu’on s’endormait.
 
Au matin, mon père et mes frères se levaient pour allumer le feu et réchauffer la maison et de faire du thé. Notre mère et nous les filles, on ne se levait pas tant que la maison n’était pas chaude et confortable. Ensuite, ma mère préparait le déjeuner. On n’avait pas d’oeufs en hiver parce qu’ils auraient gelé. On mangeait du gruau, de la crème de blé ou encore des crêpes.
 
Printemps – Au printemps, il fallait préparer les vêtements. On remisait les vêtements d’hiver. On gardait quelques vêtements chauds parce que le printemps pouvait parfois être assez froid. On commandait des articles à partir du catalogue comme des couvertures ou des draps pour le lit. En ce temps-là, le printemps arrivait tôt. À Pâques, on portait de petits bonnets et des robes. Maintenant quand Pâques arrive, il y a encore de la neige au sol. Les voisins échangeaient leur linge usagé. J’aimais mieux recevoir du linge usagé plutôt que du neuf. Pour moi, c’était très spécial de porter du linge qui avait déjà été porté par quelqu’un d’autre. Des fois, un voisin donnait à ma mère un chandail. Ma mère le défaisait pour faire des bas ou des gants aux garçons qui travaillaient dans le bois. Elle tricotait aussi pour nous parce que nous étions toujours dehors.
 
L - Maintenant, le printemps est arrivé et il y a beaucoup de choses qui disparaissent.
 
V - La première chose dont on pensait, c’était les graines. On les plantait à l’intérieur pour qu’elles germent. Aussitôt que les gelées étaient terminées, on commençait à planter…les patates, les tomates et ainsi de suite. Quand elles germaient, on les transplantait dehors.
 
L - Quels étaient les aliments que vous mangiez au printemps?
 
V - Les choses principales étaient les fruits en conserves qu’on avait cueillis, des crêpes, du gruau, de la soupe à l’orge et au lusgnign et de la mélasse. Ce qui était rare, c’était le riz. Si quelqu'un avait du riz, on allait le voir pour échanger quelque chose avec lui. Ce sont des bateaux venant d’autres pays qui nous permis de découvrir le riz. En ce temps-là, on avait seulement de l’orge. On mangeait beaucoup de viande et beaucoup de poisson. Aussitôt qu’il n’y avait plus de glace sur les rivières, on allait de nouveau pêcher.
 
L - Est-ce que vous pêchiez avec des cannes à pêche?
 
V - Oui, des cannes à pêche. Si tu n’avais pas de cannes à pêches, tu allais dans le bois et tu prenais une branche d’aulne et tu ajoutais une ligne. Pour la cale, on faisait ça avec des patates et des épingles. Ils utilisaient du poulamon ou du porc salé comme appât.
 
L - Est-ce que vous avez déjà utilisé des filets?
 
V - Non, c’est arrivé récemment. Par les années passées, on n’avait pas le droit de pêcher le saumon à Listuguj. Les camps de pêche à Kedgwick et d’autres endroits du genre avaient l’habitude d’engager des autochtones comme guides de pêche. Le saumon passait ici et on n’avait pas le droit de les pêcher.
 
L - Qui vous a dit que vous ne pouviez pas pêcher le saumon?
 
V - C’était l’agent des Indiens qui était ici. Il nous disait : « Vous n’avez pas le droit de toucher à ces eaux! » C’est seulement récemment que nous avons le droit, maintenant que nous avons des gardes-pêche.
 
L - Aviez-vous le droit de pêcher la truite?
 
V - On avait le droit de pêcher la truite, le poulamon, mais pas le saumon.
 
L - As-tu déjà fait de la pêche sur la glace?
 
V - Oh oui. On allait pêcher sur la glace. On n’avait pas de cabanes à pêcher. On s’habillait chaudement et on faisait un trou dans la glace, on mettait une ligne dans le trou. On attrapait un poisson. Des fois, on allait à un lac quand il était gelé. On pêchait et on patinait en même temps. Il n’y avait pas de cabanes autour du lac. Il fallait se rendre là-haut sur les montagnes pour pouvoir profiter de deux camps. Il y avait aussi des camps quand tu te rendais jusqu’au lac Dubé. On avait baptisé un des camps, le « Camp merci ». Les femmes travaillaient là-haut. Elles faisaient cuire à manger pour les hommes qui bûchaient. C’était notre routine, selon les saisons.
 
L - Mais vous étiez heureux?
 
V - Oh oui! Durant l’été, mon père était creuseur de tombes. Aussitôt que quelqu’un mourrait, il était prêt à y aller. Les gens mettaient des fleurs et des rubans sur la tombe. Il revenait à la maison avec toutes sortes de ruban pour mes cheveux longs. Il disait alors à ma mère : «  “Ogudi!, toutes sortes de rubans pour ses cheveux, directement du cimetière! » Et je les portais…ça ne faisait aucune différence pour moi! Les couturières locales coupaient les rubans pour les mettre aux robes…personne ne pouvait voir la différence. *RIRES* 
 
L - Es-tu déjà allée avec ton père pour pêcher, chasser ou couper du bois?.
 
V - J’avais l’habitude d’aller pêcher le poulamon avec mon père. J’étais très jeune, en ce temps-là. Il voulait me montrer comment pêcher. Tous les hommes et tous les garçons savaient pêcher…jusqu’au rivage. Je me souviens quand j’ai attrapé mon premier poisson, mon père m’a rendue tellement fière de moi. Après ça, on l’a amené à la maison pour le cuire. Mais, je ne suis jamais allée à la chasse avec mon père. Mon père n’a jamais été un chasseur. Il était cuisinier dans les camps de pêche de Kedgwick.
 
L - Est-ce que c’était tes frères qui chassaient?
 
V - Oui…la chasse et la coupe de bois. Leur métier principal était de couper du bois. C’était surtout le cas pour mon frère Miles. Il était à la tête des bûcherons. Aucun d’entre eux n’était charpentier, simplement des bûcherons. Ils utilisaient une hache et un sciotte. Il n’y avait pas de scies mécaniques. Ils halaient aussi leur bois. Il y avait un homme qui venait, aux deux semaines, mesurer le bois de papier. Il mettait de la peinture différente sur les billots. Quand tu allais dans le bois durant l’été, tu pouvais voir le bois empilé le long de la route qui était marqué aux couleurs différentes. De nombreuses femmes allaient dans le bois pour enlever l’écorce sur les billots.
 
Tant qu’il y avait des gens qui travaillaient sur la réserve, on se faisait engager pour aider. Les personnes âgées demandaient à un parent d’avoir l’aide d’une de leur fille pour nettoyer le plancher. On se faisait engager pour une journée. On lavait le plancher à quatre pattes. Ma mère nettoyait les maisons à Campbellton. Quand elle ne se sentait pas bien, elle demandait à ma sœur et à moi si on pouvait y aller à sa place. On le faisait sans poser de questions et on lui remettait l’argent qu’on gagnait. Plus tard durant la semaine, elle nous donnait un peu d’argent pour aller voir des films. Si on voulait se rendre à Campbellton, il fallait passer par Matapédia. Si on avait de l’argent, on pouvait traverser sur le doré à Leo Sook. Un doré est une sorte de bateau à rames. Il n’y avait pas de moteur en ce temps-là. Éventuellement, le traversier est arrivé.
 
Ma mère m’a montré comment faire du lusgnign quand j’étais petite. Ensuite, j’ai appris comment faire du pain maison. Je me souviens. J’étais trop courte, alors je devais monter sur une chaise. J’étais tellement fière de mon premier pain que je l’ai raconté à tout le monde.
 
Une fois, ma mère a quitté la maison. Elle nous a donné un dollar en nous disant d’acheter du hareng du vendeur de poisson. Elle nous a dit : « Assurez-vous de bien regarder les yeux. Si les yeux du hareng sont rouges, ne l’achetez pas. » Ça coûtait une cenne du hareng.
 
L - Pourquoi vous a-t-elle dit de ne pas les acheter si les yeux sont rouges?
 
V - Si les yeux sont rouges, n’achetez-les pas parce qu’ils ne sont pas bons. Elle nous avait aussi dit d’examiner le dos des poissons en s’assurant qu’ils soient sains et bleutés. Aussi de les tâter pour voir s’ils sont mous ou durs. S’ils sont durs, ils sont bons. Alors ce gars arrive et moi et ma sœur, on était seules. Alors on en a acheté 100. Ma sœur a eu peur parce que nous avons acheté 100 poissons. Elle a dit : « Qu’est-ce qu’on va faire avec tout ces poissons? Ils vont pourrir ». Alors, elle les a mis dans l’eau et toute la journée, elle ajoutait de l’eau. Quand ma mère est arrivée à la maison, je lui ai dit qu’on avait acheté 100 poissons et qu’on avait vérifié les yeux et le dos. Elle m’a dit qu’on avait bien fait, surtout en ajoutant de l’eau. Ensuite, elle a dit aux garçons d’aller chercher du gros sel pour les saler. Le reste, on les a frits. Elle nous a montré comment les saler. Il y avait toujours un baril plein de harengs salés. Moi, je n’aimais pas le hareng salé. Je pouvais le sentir quand je marchais vers le maison en revenant de l’école. Cela me donnait un haut-le-cœur. Maman me disait alors : « Tu n’aimes pas ça maintenant, mais un jour tu aimeras ça ». Et aujourd’hui : « Donnez-moi du hareng salé, n’importe quand! » *Rires* 

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Communautés: 
Listuguj
Auteur: 
Laura Johnson
Vivian explique la préparation de la nourriture qui était ramassée à chaque saison durant toute l’année.

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