Les Puglutmu’j

Les Petits lutins
Par Joe Wilmot

Les récits sur les Puglatmu’jg (petits lutins) existent depuis des siècles, bien avant que les premiers Européens débarquent sur nos terres. La légende disait alors qu’ils vivaient au sommet des montagnes et au coeur des forêts. Sur la péninsule de Gaspé, le territoire englobant aujourd’hui St.Omer et Carleton aurait été le lieu de predilection des Puglatmu’jg, qui s’y laissaient glisser à flanc de montagne toute la nuit pour s’amuser. Bien que personne n’ait jamais réellement vécu dans cette region, connue sous le nom de Tlaqatige’jg (un bon endroit où camper), les Mi’gmaqs y campaient lors de leurs expeditions de pêche et de chasse. Établis tout au long de la côte de Gaspé, ils aimaient cette région qui leur permettait d’être à proximité à la fois de la mer et de la forêt. Mais comme ils n’y demeuraient jamais plus de quelques semaines, les Puglatmu’jg ne leur causaient pas d’ennuis et les deux peuples vivait à l’écart l’un de l’autre.
 
Peu de temps après s’être installés dans la région, les Français remarquèrent que des évènements étranges se produisaient la nuit, pendant leur sommeil. Des objets disparaissaient, et au matin, les crinières et les queues des chevaux avaient été tressées. Les chevaux se montraient réticents à travailler après avoir passé la nuit en compagnie des Puglatmu’jg. Les vaches cessaient de donner du lait et les poules ne couvaient plus leurs oeufs. Parfois, ils remarquèrent qu’on avait même fourragé dans les legumes de leurs jardins et autour de leurs maisons.
 
Cela dura ainsi pendant des années. Les colons se mirent à avoir peur que les Puglatmu’jg s’en prennent à eux. Ils demandèrent à leurs prêtres d’implorer Dieu pour qu’il leur vienne en aide et qu’il chasse au loin les Puglatmu’jg, afin de vivre en paix. Mais, les priers des prêtres et des soeurs échouèrent. Ils tentèrent alors de découvrir d’où venaient ces Puglatmu’jg, dans l’espoir de les persuader de cesser leur harcèlement, mais personne ne savait où ils vivaient. Le Petit Peuple disparaissait au lever de jour et au petit matin, on pouvait parfois les voir se diriger vers les montagnes. Ils finirent par en déduire que le petit Peuple demeurait à l’intérieur de la montagne, à Tlaqatige’jg, et que le chemin qu’ils empruntaient se trouvait au sommet de ce que les colons nommaient le Mont St. Joseph.
 
Sachant que les Puglatmu’jg ne sortaient jamais durant la journée, les colons, avec l'aide de leurs prêtres, obstruèrent l’entrée de la montagne avec des rochers dans l’espoir d’y garder enfermé les Puglatmu’jg. Mais, ils finiraient par réussir à s’échapper et qu’ils reprendraient leurs mauvais coups. Les prêtres et les colons décidèrent alors qu’une structure permanente devait être érigée afin d’en finir avec les Puglatmu’jg. Ils firent couler une dalle de ciment sur laquelle ils érigèrent un petit monument à St. Joseph. Le calme revint pendant quelques années, jusqu’au moment où les Puglatmu’jg refirent leur apparition et recommencèrent à leur jouer des tours. Les gens se mirent à nouveau à s’inquiéter pour leur sécurité.
 
Observant que la statue avait pu retenir quelque temps le Petit peuple, les colons se dirent qu’une église les arrêterait pour toujours. À la fin du siècle dernier, ils construisirent donc une petite église au sommet de la montagne pour en obstruer définitivement l’entrée. Les Puglatmu’jg furent pris au piège pendant plus de quarante ans. Mais, dès le début des année 40, des signes de leur présence se firent sentir, menant à penser qu’ils pourraient bientôt s’échapper. Des crevasses apparurent un peu partout et on décida qu’une église plus vaste, avec des foundations plus solides, devait être bâtie autour de la première. Ainsi, l’entrée en deviendrait infranchissable. Depuis ce jour, aucun Puglatmu’jg n’a été aperçu dans la région.
 
La plupart des Aînés de la Nation Mig’maq connaissent cette histoire.